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L'État de Nature : Fondement du Contractualisme
Explorez le concept d'état de nature tel qu'il est envisagé par les théoriciens contractualistes comme Hobbes, Locke et Rousseau. Comprenez comment cette hypothèse philosophique sert de base à la justification de la nécessité d'un contrat social et de la formation d'un gouvernement.
Qu'est-ce que l'état de nature ?
L'état de nature est une hypothèse philosophique, une sorte d'expérience de pensée. Il ne s'agit pas d'une période historique réelle, mais d'une construction intellectuelle. Les philosophes contractualistes, tels que Thomas Hobbes, John Locke et Jean-Jacques Rousseau, l'utilisent pour imaginer ce que serait la vie humaine en l'absence de gouvernement, de lois et d'institutions politiques. L'objectif est de comprendre pourquoi et comment les êtres humains passent d'un tel état à une société organisée et régie par des règles. Chaque philosophe a sa propre vision de cet état, ce qui conduit à des théories politiques différentes.
Hobbes et l'état de nature : la guerre de tous contre tous
Pour Thomas Hobbes, décrit dans son œuvre Léviathan, l'état de nature est un état de guerre permanent. Chaque individu est mû par son propre intérêt et par la peur de la mort. Il y a une égalité fondamentale entre les hommes, non pas en termes de force physique, mais en termes de capacité à se nuire mutuellement. Dans cet état, il n'y a ni moralité, ni justice, ni propriété. La vie est "solitaire, pauvre, désagréable, brutale et courte". La raison principale de cet état de guerre est la compétition pour les ressources limitées et la méfiance mutuelle. Pour sortir de cet état, les individus doivent céder leurs droits à un souverain absolu capable de maintenir l'ordre et la sécurité. Hobbes préconise donc un pouvoir central fort, capable de réprimer toute contestation.
Locke et l'état de nature : droits naturels et liberté
John Locke, dans son Second Traité du gouvernement civil, a une vision plus optimiste de l'état de nature que Hobbes. Il considère que les individus possèdent des droits naturels, inhérents à leur condition humaine, notamment le droit à la vie, à la liberté et à la propriété. La loi naturelle, qui est la raison, enseigne à tous les hommes qu'ils ne doivent pas nuire à autrui dans sa vie, sa santé, sa liberté ou ses biens. Cependant, l'état de nature selon Locke n'est pas un état de licence. Il y a une loi naturelle qui régit le comportement humain, mais il n'y a pas d'autorité impartiale pour l'appliquer. C'est cette absence d'un juge impartial qui rend la vie dans l'état de nature incertaine et précaire, et qui justifie la création d'un gouvernement pour protéger les droits des individus. La propriété privée, pour Locke, est acquise par le travail. En mélangeant son travail avec les ressources naturelles, un individu se les approprie légitimement. Cependant, il y a une limite : il ne faut pas gaspiller les ressources et il faut en laisser suffisamment pour les autres. Locke prône un gouvernement limité, dont le rôle est de protéger les droits naturels des citoyens. Si le gouvernement viole ces droits, les citoyens ont le droit de se révolter.
Rousseau et l'état de nature : bonté originelle et perfectibilité
Jean-Jacques Rousseau, dans son Discours sur l'origine et les fondements de l'inégalité parmi les hommes, propose une vision radicalement différente de l'état de nature. Il considère que l'homme à l'état de nature est un être isolé, guidé par deux sentiments principaux : l'amour de soi (le désir de se conserver) et la pitié (la répugnance à voir souffrir ses semblables). L'homme naturel est bon par nature, il n'est ni moral, ni immoral. Il est innocent et ne connaît ni le vice, ni la vertu. C'est la société qui corrompt l'homme en développant l'amour-propre (le désir d'être reconnu et admiré par les autres), l'envie et l'orgueil. Rousseau introduit également le concept de perfectibilité, la capacité de l'homme à se transformer et à progresser. C'est cette perfectibilité, qui est une qualité positive, qui conduit paradoxalement l'homme à s'éloigner de son état de nature et à développer l'inégalité. Pour Rousseau, le contrat social est un moyen de retrouver une forme de liberté et d'égalité dans la société civile. Il ne s'agit pas de céder ses droits à un souverain, mais de s'associer à tous les autres pour former un corps politique dont la volonté générale exprime l'intérêt commun.
Tableau comparatif des états de nature
Pour mieux comprendre les différences entre les états de nature décrits par Hobbes, Locke et Rousseau, voici un tableau comparatif :
Philosophe
Nature humaine
Droit naturel
État
But du contrat social
Hobbes
Égoïste, peur de la mort
Droit de se conserver
Guerre de tous contre tous
Sécurité et ordre
Locke
Raison, droits naturels
Vie, liberté, propriété
Relativement paisible, mais incertain
Protection des droits naturels
Rousseau
Bon, pitié
Amour de soi, pitié
Innocent, égalitaire
Liberté et égalité dans la société civile
Ce qu'il faut retenir
FAQ
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L'état de nature a-t-il réellement existé ?
Non, l'état de nature est une construction théorique, une expérience de pensée. Les philosophes ne prétendent pas qu'il ait existé historiquement. Il sert de point de départ pour réfléchir à la nature humaine et à la nécessité d'un gouvernement. -
Pourquoi les philosophes contractualistes parlent-ils de l'état de nature ?
Ils l'utilisent pour justifier la nécessité du contrat social. En imaginant ce que serait la vie sans gouvernement, ils cherchent à montrer pourquoi il est rationnel et avantageux pour les individus de renoncer à une partie de leur liberté pour vivre dans une société organisée et régie par des lois. -
Quel est le point commun entre les différentes conceptions de l'état de nature ?
Le point commun est qu'il s'agit d'un état hypothétique antérieur à la société civile et au gouvernement. Les philosophes partent de cet état pour expliquer comment et pourquoi les êtres humains ont décidé de s'organiser en société.