L'art comme imitation : Platon et Aristote

Introduction : L'art comme 'mimesis'

La notion d'imitation, souvent désignée par le terme grec mimesis, est au cœur de la conception de l'art chez Platon et Aristote. Cependant, leurs perspectives divergent quant à la valeur et à la fonction de cette imitation. Comprendre cette divergence est crucial pour saisir leur philosophie de l'art.

L'imitation, dans ce contexte, ne signifie pas simplement une reproduction fidèle et passive de la réalité. Elle implique une interprétation, une sélection et une transformation de ce qui est imité. La question fondamentale est de savoir ce que l'art imite et pourquoi.

La critique platonicienne de l'art comme imitation

Platon, notamment dans La République, critique sévèrement l'art. Sa critique repose sur sa théorie des Idées (ou Formes). Selon Platon, le monde sensible que nous percevons n'est qu'une pâle copie du monde intelligible des Idées, qui sont les réalités parfaites et éternelles.

Argument de la triple distance : Un lit concret, par exemple, est une copie de l'Idée de lit. Un peintre qui peint un lit crée une copie de la copie. L'art est donc à une triple distance de la vérité. Il nous éloigne de la connaissance véritable en nous présentant une illusion de la réalité.

Danger moral : Platon craint également l'impact émotionnel de l'art. Les tragédies, par exemple, suscitent la pitié et la peur, des émotions qu'il considère comme perturbatrices et susceptibles d'affaiblir le contrôle de la raison sur les passions. L'art peut donc corrompre moralement les spectateurs.

Exemple concret : Imaginez un peintre qui peint un guerrier courageux. Selon Platon, ce peintre ne connaît pas réellement le courage. Il imite seulement l'apparence du courage, ce qui peut induire les spectateurs en erreur et les éloigner de la véritable vertu.

La défense aristotélicienne de l'art comme imitation

Aristote, disciple de Platon, propose une vision plus positive de l'art comme imitation. Dans La Poétique, il défend l'art, notamment la tragédie, en montrant qu'il peut avoir une valeur cognitive et morale.

L'imitation comme source de connaissance : Aristote affirme que l'imitation est une tendance naturelle chez l'homme et qu'elle est source de plaisir et d'apprentissage. En imitant la réalité, l'art nous permet de comprendre le monde et la nature humaine.

La catharsis : Aristote introduit le concept de catharsis pour expliquer l'effet purificateur de la tragédie. En éprouvant la pitié et la peur devant le spectacle des malheurs d'un héros tragique, le spectateur se libère de ses propres émotions excessives. La tragédie a donc une fonction thérapeutique.

L'imitation de l'universel : Contrairement à Platon, Aristote ne considère pas que l'art se limite à imiter le particulier et le contingent. Il pense que l'art peut imiter l'universel, c'est-à-dire les aspects généraux et essentiels de la nature humaine et du monde. Un poète, par exemple, peut créer des personnages qui incarnent des traits de caractère universels, comme la jalousie, l'ambition ou la générosité.

Exemple concret : Prenons l'exemple d'Œdipe dans la tragédie Œdipe Roi de Sophocle. Œdipe, sans le savoir, tue son père et épouse sa mère. En assistant à cette tragédie, le spectateur n'apprend pas seulement l'histoire d'Œdipe, mais il comprend également les dangers de l'ignorance, de l'orgueil et du destin.

Comparaison et contraste : Platon vs. Aristote

Conclusion : L'héritage de Platon et d'Aristote

Les conceptions de Platon et d'Aristote sur l'art comme imitation ont profondément influencé la pensée occidentale. Si Platon met l'accent sur les dangers potentiels de l'art, Aristote souligne sa valeur cognitive et morale. Leur débat continue de nourrir les réflexions contemporaines sur la nature, la fonction et la valeur de l'art.

Ce qu'il faut retenir

• Mimesis : Le concept clé de l'art comme imitation.
• Platon : Critique l'art comme une copie de copie, éloignant de la vérité et corrompant moralement. Théorie des Idées.
• Aristote : Défend l'art comme source de connaissance, de plaisir et de catharsis. Imitation de l'universel.
• Catharsis : Purification émotionnelle à travers la tragédie (Aristote).
• Triple distance : L'argument de Platon selon lequel l'art est à trois niveaux de distance de la vérité.