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Explication de Texte : Extrait de Le Prince de Machiavel - Chapitre XVII : De la cruauté et de la clémence, et s’il vaut mieux être aimé que craint, ou plutôt craint qu’aimé

Analyse détaillée et commentée d'un extrait du chapitre XVII du Prince de Machiavel, portant sur la question de la cruauté et de la clémence dans l'exercice du pouvoir. Comprendre les enjeux philosophiques de la pensée machiavélienne et sa pertinence dans le contexte politique actuel.

Introduction à l'extrait du Chapitre XVII

Dans le chapitre XVII du Prince, Machiavel aborde une question centrale pour tout gouvernant : vaut-il mieux être aimé ou craint ? Loin de toute considération morale traditionnelle, Machiavel adopte une approche pragmatique, analysant les avantages et les inconvénients de chaque option. Il conclut que, si l'idéal serait d'être à la fois aimé et craint, il est plus sûr, en cas de nécessité, d'être craint qu'aimé. Cet extrait est fondamental pour comprendre la rupture opérée par Machiavel avec la pensée politique classique.

Lecture et Analyse de l'Extrait

Prenons un extrait typique : « Je dis qu'il serait bon d'être l'un et l'autre; mais, comme il est difficile de les unir, il est beaucoup plus sûr de se faire craindre qu'aimer, quand on doit renoncer à l'un des deux. »

Analyse du texte :

  • L'idéal inaccessible : Machiavel reconnaît que le meilleur serait d'être à la fois aimé et craint. Cependant, il considère cette situation comme difficilement atteignable dans la réalité politique.
  • Le choix pragmatique : Face à cette difficulté, il propose un choix pragmatique : il est plus sûr de se faire craindre qu'aimer.
  • La nature humaine : Cette préférence repose sur une vision pessimiste de la nature humaine. Machiavel considère que les hommes sont ingrats, changeants, simulateurs, avides de gain et peu enclins à tenir leurs promesses lorsqu'ils y trouvent leur intérêt.

La Cruauté bien Employée

Machiavel ne prône pas la cruauté pour le plaisir, mais la cruauté comme un instrument politique nécessaire pour maintenir l'ordre et la stabilité de l'État. Il distingue une « cruauté bien employée » (celle qui est exercée d'un seul coup, par nécessité, et qui cesse ensuite au profit des sujets) d'une « cruauté mal employée » (celle qui, bien que peu fréquente au début, s'accroît avec le temps au lieu de s'éteindre).

  • La nécessité : La cruauté est légitime si elle est nécessaire pour garantir la sécurité de l'État et le bien commun.
  • La modération : Il faut éviter la cruauté excessive et gratuite.
  • Le calcul : Le prince doit calculer les avantages et les inconvénients de chaque action, en tenant compte des conséquences sur sa réputation et sur la stabilité de son pouvoir.

La Crainte et l'Amour

Machiavel explique pourquoi il est plus sûr d'être craint qu'aimé. Les hommes sont moins enclins à offenser celui qui se fait craindre, car la crainte est associée à la punition. L'amour, en revanche, est un lien fragile, basé sur l'ingratitude et l'intérêt personnel.

  • La crainte : est un sentiment plus durable et plus fiable que l'amour.
  • La punition : est un moyen efficace de dissuader les hommes de commettre des actions nuisibles à l'État.
  • La stabilité du pouvoir : Un prince craint a plus de chances de conserver son pouvoir qu'un prince aimé.

Implications philosophiques

L'extrait du chapitre XVII du Prince soulève des questions fondamentales sur la nature du pouvoir, la moralité politique et la nature humaine. Machiavel rompt avec la tradition philosophique qui liait la politique à la morale. Il affirme que le prince doit être capable de faire le mal si nécessaire pour assurer le bien de l'État.

Cet extrait interroge :

  1. La finalité de la politique : Le but de la politique est-il le bien commun ou la conservation du pouvoir ?
  2. La relation entre morale et politique : La morale doit-elle guider l'action politique ou doit-elle être subordonnée aux impératifs de la raison d'État ?
  3. La nature humaine : Les hommes sont-ils naturellement bons ou mauvais ?

Ce qu'il faut retenir

  • Pragmatisme : Machiavel adopte une approche pragmatique de la politique, en se concentrant sur les résultats et l'efficacité.
  • Crainte vs. Amour : Il est plus sûr pour un prince d'être craint qu'aimé.
  • La cruauté bien employée : La cruauté peut être justifiée si elle est nécessaire pour maintenir l'ordre et la stabilité de l'État.
  • Raison d'État : La raison d'État doit primer sur la morale individuelle.
  • Rupture avec la tradition : Machiavel rompt avec la tradition philosophique qui liait la politique à la morale.

FAQ

  • Machiavel est-il un cynique qui prône l'immoralité ?

    Il est plus juste de dire qu'il est un réaliste. Il observe la politique telle qu'elle est et non telle qu'elle devrait être. Il ne nie pas l'existence de la morale, mais il affirme qu'elle ne peut pas toujours guider l'action politique.
  • Les idées de Machiavel sont-elles encore pertinentes aujourd'hui ?

    Oui, elles le sont. Les questions qu'il soulève sur la nature du pouvoir, la moralité politique et la nécessité de l'action sont toujours d'actualité. Son œuvre continue d'inspirer et de provoquer le débat.